Journal / actus

Adaptation

19 avril 2016

Extrait du blog entre Morgane Le Rest (artiste) et Christine Paillard (scientifique) pour la création de Vibrio émoi qui sera présentée dans le cadre d’ANTHROPOSCÈNE (du 8 au 11 juin 2016 au Maquis à Brest).

Je ne suis pas seule à avoir un problème avec le temps. Ou avec ce document partagé. Mais ça me paraît être malgré tout un bon moyen. Pour se dire, de manière informelle et officieuse. Parfois, ça naît de là. Sans crier gare. Alors, continuons quand même, et si nous avons meilleure idée à un moment, changeons.
Il y a beaucoup de manifestations, d’articles autour de la cop21. J’ai lu cette fin de semaine dans le Télégramme, c’était vendredi je crois, que suite au réchauffement climatique, il y avait du changement en mer d’Iroise. Notamment de faune. Le cabillaud migre de plus en plus vers les eaux froides du nord de l’Europe. La plie, la limande ou encore l’aiglefin disparaissent de nos eaux. Les poissons plats se feraient la malle à part les céteaux qui font leur apparition. D’autres espèces arrivent ou se renforcent comme les bars, les rougets, les anchois, les merlus, les maigres, et les balistes...

En somme, d’après certains spécialistes, il y aurait davantage d’espèces, mais de plus petite taille. Ça m’interroge. Et nous ? L’espèce humaine ?! Quels sont nos déplacements par rapport aux changements climatiques ? Pour l’instant les déplacements se font à cause des guerres, de l’économie, de dangers inhérents aux hommes plutôt. Est-ce que notre corps va se modifier ? Est-ce qu’on va s’adapter physiquement. Les bêtes de l’eau, c’est ce qu’elles font pour la plupart, non ? Elles n’attendent pas le déluge. D’ailleurs il n’y a pas d’attente, ou de délai. Si ça ne convient pas, les êtres bougent. Que ça soit de l’intérieur ou que ça soit à l’extérieur. J’ai fait de drôles de rêves ces deux nuits dernières. Où seules les personnes de très petites tailles pouvaient vivre à certains endroits, ceux qui avaient une peau classique ne pouvaient plus vivre sur certaines côtes d’Europe ou d’Amérique. Moi, j’avais de la chance, j’avais une bi-peau, perméable aux gaz et imperméable à certains gaz par ailleurs. Ce qui me donnait accès à des lieux non surpeuplés mais très dangereux. C’était très fouillis, pas très clair, très flippant. Au réveil, je pensai à nos incisives, nos canines, et nos molaires. Hier nuit, sans doute à cause de ces réflexions matinales, les gens dont les familles avaient mangé trop de Saupiquet, Coca, Bonduelle et Fleury Michon étaient presque édentés, il n’y avait plus que deux barres de dents. Une en haut. Une en bas. Comme un Carambar plié en banane posé sur la gencive. Des files de gens à la bouche un peu vide, comme ça, qui défilaient sur des arêtes de murs. Mon arrière grand mère, Mémé, morte depuis bien longtemps, regardait les gens depuis une fenêtre, accrochée nulle part, et me faisait ce commentaire que je trouvais à ce moment là très juste : On creuse sa tombe avec ses dents, ceux là ne pourront même pas ratisser. Et je me marrais avec elle. Et elle rigolait de tout ça, alors qu’elle avait elle-même un dentier… Well… Trêve de rêves alimentés par l’actualité, ma petite histoire et les réflexions croisées.
Bonne nuit !

29 novembre, plutôt 30 novembre, 01:40

Superbes tes rêves.
Les miens sont au rythme des vaporetto sur la lagune de Venise. Cette lumière que j’avais totalement oubliée. Magie de ces eaux et cieux qui s’hybrident à merveille. Ironie du sort. Quel sort pour Venise dans 100 ans ?
Ma mission riche d’échanges, rencontres incroyables, discussion haletante avec Philippe Descola dans les ruelles de Venise de l’Université Ca Foscari, jusqu’à Ile San Giorgio. Nous refaisions ce monde sensible où l’homme et la nature ne se sont jamais séparés. Bonne nuit aussi.

Venise, c’est aussi l’histoire de rencontres extraordinaires, avec des anthropologues. Du temps pour discuter en marchant dans les ruelles aquatiques vénitiennes de notre vision occidentale séparant nature et culture. Cette pensée étroite, dualisme nature/culture. Penser la crise climatique avec cette nouvelle vision, c’est particulièrement intéressant. A suivre demain matin..

Ce soir, jeudi, de Lille, je t’écris, revenant de Perpignan et Paris. Au CNRS, des échanges toujours enrichissants avec Mic Guillaumes, danseur chorégraphe et Philippe Arson qui filme en dansant maintenant. Il nous a visionné un film qu’ils sont en train de mettre en scène sur Nietzsche, dans son village De Sils-Maria. La caméra, à bras le corps suit les pérégrinations de Nietzsche, discutant sur le féminisme, sur Heidegger, Wagner. Je leur ai parlé de notre binôme, de nos aspirations, de nos envies d’improvisations. A très bientôt.

29 novembre 2015.