Et là ? Et là maintenant, où en sommes nous ? Allons-nous nous laisser noyer ? Nous laisser noyer dans le désordre du Monde, dans le chaos médiatique ? Allons-nous ne penser qu’à sauver notre peau ? Notre petit cercle ? Continuer à nous laisser prendre dans les courants mauvais des nouvelles affligeantes et décourageantes ? À notre échelle, aussi minuscule qu’elle soit, comment pouvons nous tenter, reconstruire et renouer ? Depuis dix ans, le théâtre du Grain et ses ami-e-s s’agitent et s’emploient à porter l’appel humain face au silence déraisonnable du Monde. Face aux déterminismes économiques, sociétaux et environnementaux. Dire. Redire. Dire encore. Pour faire entendre la parole, la rumeur des exploité-e-s, des humilié-e-s, des oublié-e-s. Pour refaire. Pour ré appartenir au Monde et l’éprouver dans sa complexité. Lors des prochains temps, nous continuerons à tenter sans relâche. Tenter d’exploser les dénis, les simplifications et les mauvaises fois. Nous continuerons à faire entendre les exilé-e-s, les adolescent-e-s, les ouvrièr-e-s, les chômeuses, les chômeurs et toutes celles et ceux qui veulent prendre la parole, montrer leur chair et construire une pensée. Nous sommes un tout petit ruisseau. Nous oeuvrons, avec d’autres, pour qu’il devienne fleuve et océan. Nous regardons de manières obliques les petites et les grandes histoires et nous les transcendons plus que jamais pour laisser loin derrière l’absurdité de l’argent roi, de la post vérité, du mensonge politicien. Nous voulons être heureuses et heureux et ce sont les liens qui se créent, qui restent et qui durent qui nous rendent ce bonheur. Tous ces partages avec nos voisin-e-s, nos ami-e-s de sens, nos soutiens précieux. Tout ce commun qui se bâtit petit à petit et qui produit de la joie, de l’émulation, de la vie. Nous continuerons à penser le Monde, à le mesurer, experts ou non experts. Maladroitement mais avec du cœur, de la révolte et du désir. Penser le Monde, l’entendre, le chanter, en faire partie sans se laisser bruiter par la ringardise du moderne. Oser la nudité, le temps juste. Retrouver le Monde. Être.

Lionel Jaffrès