J’ai toujours été nourri au théâtre par ces personnages, figures des classes populaires en lutte : Pélagie Vlassova se révoltant face à la faim et aux injustices sociales dans la Russie tsariste, le veilleur de nuit qui veut crier hurler gueuler gueuler, les ouvrières de Jabil Ex Alcatel qui portent leur rage jusqu’à la scène, des chômeurs formant des piquet(ero)s de grève ou criant “faut pas payer”, des Jeanne Dark maquisardes, des Antigone paysannes, des Spartacus, pétroles bruts, Yerma, femmes cinglées ou rebelles, filles de la pluie, travailleurs malgaches, syriens ou ukrainiens, comorriennes transfuges, Prométhée, Sisyphe, indignés, debouts, paysans des Monts d’Arrhée, gilets jaunes, choeur de brestois.e.s…
Celles-là et ceux-là ont toujours su qui étaient leurs adversaires et n’ont cessé de nous alerter ; d’abord ces grands propriétaires qui peuvent délocaliser une usine d’un clic de souris ou créer une chaîne de propagande à coups de billets verts, puis toute une classe politique, médiatique, qui les représente si bien et qui détruit méthodiquement toutes les conquêtes sociales dès qu’elles desservent leurs intérêts, et enfin tous les nationalismes xénophobes qui, à coups de vernis mensongers, divisent les prolos, les plus pauvres, races contre races. Ainsi se frottent les mains ceux qui s’arrangent bien du fait que nous regardions ailleurs, sous couvert de chauvinisme, de coups de trique et de mépris du singulier. Face à ça, au quotidien, nous tentons d’ouvrir les fenêtres des quartiers populaires, de traverser la ville, nous organisons des gueuletons, nous écrivons, nous portons à la scène ce que nous pensons pouvoir émanciper, nous essayons de faire alliance avec celles et ceux qui souffrent le plus des violences, nous ratons beaucoup, nous réussissons parfois à faire geste commun, et à voir pousser des ailes.
Nous savons que le Front Populaire de 1936 portait l’intérêt des travailleurs. Comme le programme du conseil national de la résistance, la grève générale de 1968, la conquête des congés payés, les manifestations de 1995, ou celle de 2023 contre la réforme des retraites. Tout cela contre l’injustice sociale, contre les intérêts des plus riches. Nous savons que l’extrême droite n’a jamais été et ne sera jamais de notre côté. Nous savons aussi que les banquiers seront toujours au service des banquiers. Et que ces banquiers choisiront toujours l’extrême droite plutôt que le mouvement social (inventeur des hôpitaux publics, de la sécurité sociale, du contrat de travail, de l’école publique, du logement social, des bibliothèques, des comités d’entreprise, des associations, des centres sociaux, etc.)
Pour toutes ces raisons, en cette période de recul social, mais aussi d’espoir d’un moment de victoire historique, nous soutenons les héritiers de toutes ces luttes.