Journal / actus

Les mots, les récits, raniment autant qu’ils peuvent tuer.

31 octobre 2024

Les mots, les récits, raniment autant qu’ils peuvent tuer.

Durant Mille et une nuits, Shéhérazade, pour échapper à la mort, raconte une histoire sans fin au roi Shahriar. A l’aube, elle l’interrompt pour la reprendre le lendemain. Ainsi, le roi, qui épouse chaque jour une nouvelle femme pour la tuer à l’aube, ne la tue pas. Bref, Shéhérazade raconte pour ne pas mourir. Raconter une histoire devient pour elle une question de vie ou de mort.

Ce sont souvent les autres qui nous nomment, la famille, la société, la médecine… Les mots deviennent alors des carcans dont il est difficile de sortir. Parfois, se réapproprier son histoire, lutter contre des mots dans lesquels on nous a enfermés, retrouver une voix qu’on nous a ôtée nous raniment.

Nos identités, nos rôles semblent façonnés. Est-ce qu’on peut changer de rôle ? Entre le personnage et la personne il y a le même mot, persona, le masque. Si on faisait tomber les masques ?

A travers les récits théâtraux qui s’annoncent, c’est ce que nous tenterons de faire. Faire entendre des voix que nous n’entendons pas. Adopter des points de vue variés. Changer de rôles pour voir avec les yeux des autres.

Pour lutter contre une histoire officielle souvent écrite par les vainqueurs, pour mettre à mal les fictions identitaires, pour mettre de l’air dans des récits nationaux qui tendent à se refermer sur eux-mêmes, pour faire commun, il est plus que jamais urgent de construire de nouveaux récits pour témoigner en nos noms, pour creuser les singularités, pour créer du commun sans exclure.

Maïna Madec

« La lecture de nombreux livres mène à la sagesse et la lecture d’un seul à l’ignorance armée de folie et de haine. » Danilo Kis