Ma grand-mère invente. Ma grand-mère oublie. ma grand-mère danger. Ma grand-mère chérie. Deux personnes viennent chaque jour l’aider, des auxiliaires de vie. Avoir et être. Des infirmiers aussi. Pour ses louzou. Qu’elle planque invariablement dans plantes et torchons. Elle n’a pourtant pas besoin de lunettes pour lire son journal. Qu’elle ne lit plus vraiment. Puisqu’elle ne s’en souvient pas. Elle lirait celui de la veille ou du mois dernier, ce serait pareil. Comme une enfant. Mais c’est ses habitudes. Bon pied, bon oeil, inconséquente. On l’a mise à l’essai à la maison de retraite la plus proche. C’est pour son bien. Elle a rien compris. Elle oublie, je vous ai dit. Alors, elle a oublié ce qu’elle faisait là. A la cantine de la maison, ils lui ont servi des carottes. Elle n’aime pas ça. M’enfin, je ne suis pas un lapin. M’enfin, vous n’allez pas m’obliger quand même, je ne suis pas une gamine. Elle a pris ses cliques et ses claques. Elle s’est évadée. Tout simplement, par la porte d’entrée, elle est sortie. Elle a marché. Avec son manteau en mohair et cuir et son chapeau sur la tête. Ma grand-mère a toujours porté des chapeaux. Elle a une tête à chapeaux. Elle dit que moi aussi. Que c’est de famille. Elle a marché. Marché. C’était pas très loin mais elle ne marche pas vite. Avec le train en arrière à cause de ces deux hernies discales. Jusqu’à chez elle. Elle s’est retrouvée à la porte. Elle a appelé les pompiers pour qu’ils lui ouvrent la porte. J’ai oublié mes clefs à l’intérieur. Elle le croyait. Tout le monde s’est inquiété. Où est-ce qu’elle est passée ? Je suis chez moi, normal. Tout va bien.