Journal / actus

Nuit libérale

16 juin 2018

Et maintenant que la nouveauté brillante ne peut plus servir de cache-sexe, il est temps d’admettre que nous nous engouffrons sans retenue dans un monde ultra-néo-libéral. Un monde où l’on mise tout sur l’individualisme au détriment du collectif.
Dans ce monde qui cherche à nous sidérer par la soudaineté et la violence de ses attaques répétées (EHPAD, santé, fonction publique, associations, migrants, aides sociales, retraites… à vous de compléter la liste ad nauseam), il s’agit d’aiguiser notre vigilance, ébranlée par le rouleau compresseur du compromis centriste.
Et d’abord se réapproprier le verbe, ne pas se laisser hypnotiser, ne pas se laisser accaparer le terrain sémantique.
Il s’agit pour nous de faire cet effort de déconstruction de la start-up nation, et traduire cette novlangue par des mots qui nous correspondent.
Continuellement nous réapproprier la langue, réaffirmer la place du verbe dans ce qu’il a de plus profond, de plus concret, de plus poétique, de plus sensible, de plus charnel face à l’obscénité sans retenue de la syntaxe officielle.
Sans arrêt traduire « appel à projet » par « mise en concurrence », « premiers de cordée » par « les plus riches d’entre nous », « réorganisation du service hospitalier » par « réduction de personnel », « budget contraint » par « manque d’argent », « réforme » par « destruction du lien social »…
N’en doutons pas un seul instant, le verbe émancipe, énonce les pensées, les désirs, là où le discours officiel voudrait le cadrer, le réduire, le lisser… il s’élance quand la puissance libérale voudrait le contraindre.
Il est alors plus que jamais nécessaire de s’armer du verbe pour se confronter au désaccord. Lutter sur tous les fronts, sur tous les discours, sur toutes les tentatives d’étouffement du débat.
Inlassablement ne pas lâcher, ne pas renoncer, ne pas se laisser submerger face à la surpuissance apparente de l’ogre.
Reformuler, réécrire, traduire.
Être prométhéen et oser ces espaces de lumière vacillante dans la nuit libérale comme autant de foyers porteurs de chaleur et d’humanité.

Alain Maillard