On entend les mots.
Démocratie. Liberté.
On les confond.
Démocratie, liberté, libéralisme.
Libre arbitre, libre marché, liberté de penser.
Philosophie, idéologie, économie, nationalisme, psychologie, développement personnel.
Tout cela dans une même soupe.
Histoire de dire “le Monde libre”, plus libre que l’autre, plus libre que l’air (qui se réchauffe). Blabla médiatique, marketing politicien.
Et puis BAM.
Patatra. La sidération. Le choc. La peur. On se raccroche à la soupe.
On oublie les nuances et advient un monde bipolaire. Un monde encore plus libre et un autre encore plus totalitaire. Séparation des Mondes au sein desquels ce sont les peuples qui subissent, encore et toujours, les peuples. Qu’on utilise comme boucliers ou prétextes. Chair à canon.
Chairs sous les bombes.
Chairs dont la vie n’a que peu de valeur.
Chairs à éduquer de gré ou de force, qu’on fait travailler sous la contrainte, qu’on humilie dans des files d’attente, qu’on viole, qu’on tue.
Chairs en première ligne des dérèglements climatiques, économiques, géostratégiques, qui sont déplacés comme des rongeurs fuyant les flammes.
Bien sûr, quelques pompiers qui tournent la roue dans le sens inverse, qui accueillent sans rien demander en retour, qui sortent la tête de la soupe, qui prennent le temps de réparer ce qui a été brisé en un instant. Ils se disent parfois que la poésie peut quelque chose dans ce fatras. Même assassinés ou emprisonnés*, ils réaffirment la valeur des corps, dansent, chantent, jouent du violon, disent, recomposent des couleurs.
Des nuances d’universalisme qui ne se laissent pas entacher ni enfermer dans une dualité.
Que pourraient-ils faire d’autre ?
(*) Federico Garcia Lorca, Charlotte Delbo, Saint Pol Roux, Max Jacob, Ossip Mandelstam, Albertine Sarrazin, Martin Luther King, Victor Java, Pier Paolo Pasolini, Mahmoud Darwich, Lounès Matoub, Varlam Chalamov, Rouslan Akhtakhanov, Anna Politkovskaïa, Oleksandr Kniga, Mantas Kvedaravicius et tou.te.s les autres.
Lionel Jaffrès