Pendant ce temps, un prédateur allume des feux. Un par ici, un par là. Une loi qui humilie les chômeurs, une autorisation d’exploiter du sable, une réforme qui dégrade les conditions de travail. À chaque fois, quand elles se rendent compte des conséquences, les communautés résistent au feu. Elles se mobilisent. Un prédateur parle. Il formule une parole mensongère. Polémique. Il lève des boucliers. Une communauté s’offusque de ces mensonges. Des chercheurs se mobilisent. Font des thèses. Font des hypothèses avec des citoyens. Petit à petit, ils éteignent le feu que le prédateur a allumé. Ce prédateur est un dragon. Il faut des années pour éteindre ce feu. Mais les communautés se divisent, se diluent face aux multiples foyers. Elles n’ont plus le temps de penser au progrès, à ce que sont les causes de ces feux. Elles jouent aux pompiers et s’épuisent. Elles s’épuisent et finissent par se résigner. Et ne plus éteindre les feux et soutenir les incendiaires, le dragon. Les communautés agissent en aval de la production. Elles sont encouragées à trier les déchets, favoriser le vivre ensemble, lutter contre les discriminations, cotiser pour les restos du cœur... Elles agissent après les feux du dragon, rien ne se passe. Rien ne change. Des feux continuent à être allumés partout. Si elles s’intéressent au dragon, à l’amont des foyers, les choses se compliquent. Elles ne savent pas à qui s’adresser. Elles ne connaissent pas le visage des dragons. Peut-être même qu’elles sont un des visages du dragon. Et quand elles s’approchent des producteurs de plastique, d’or, de pétrole, de pesticides, de voitures, de médicaments, d’énergie nucléaire... Cela devient plus difficile. Des lobbies, des moyens de communication, de désinformation, des moyens financiers, légaux, des militants assassinés*...

Lionel Jaffrès, le 22 juin 2017 à Moncton (Nouveau Brunswick – Canada)

(*) https://www.bastamag.net/Multiplication-inquietante-des-assassinats-de-militants-ecologistes