J’avais, depuis longtemps, le désir parler de la banlieue parisienne, d’où je viens, et de la violence physique et psychique, que j’ai subie adolescent.
Ma banlieue, celle que j’ai vécue, est un no man’s land d’où il est à la fois très difficile de s’échapper, et où l’instinct grégaire est très fort. Partir, c’est lutter contre le regard de l’extérieur, mais c’est aussi trahir celui qui vit à l’intérieur. C’est une espace qui empêche de sortir mais aussi protège de l’ailleurs, flou, angoissant, terrible peut-être.
De même avais-je envie d’aborder les questions liées à la violence physique et psychique qu’elle engendre.
La violence crée des troubles, des angoisses, dont il est difficile de s’affranchir. Elle pousse au silence, à la peur, à la honte, mais aussi au désir d’amour, de reconnaissance, d’acceptation par la personne qui violente. Quels échappatoires peuvent advenir dans ce contexte ?
Je n’avais pas envie de faire œuvre de témoignage, d’aborder ces questions d’un point de vue documentaire. La dimension fictionnelle était essentielle. Le roman L’étourdissement m’a permis de tracer les lignes humaines et architecturales nécessaires à l’élaboration de la fiction et du drame.
S’en est alors suivi un long processus de dépouillement, de "pelage", où, peau après peau, j’ai ôté ce qui m’éloignait de ce que je voulais exprimer.
Je me suis affranchi du roman, tant dans la structure narrative que dans la langue, le rythme, le débit, les nœuds dramatiques, pour mieux en retenir l’essence même.
Je n’ai finalement fait que parler de moi, de ce qui constituent mes failles, à travers un drame où des protagonistes qui me sont étrangers – tant dans la langue que les comportements – vivent des situations qui se nourrissent de mon vécu.
Mon travail d’écriture est une mise à distance, un prisme déformant d’une réalité qui m’habite et me dépasse.
Alain Maillard