Lettre du Grain - Septembre 2019

Pensée de Yogyakarta (Indonésie - Août 2019)

De ma place, je goûte, malgré moi, à la place de la classe dominante, celle des premiers de cordée à qui on facilite tout, pour lesquels on sert la soupe... à condition d’avoir du flouze. Et on se plait à mimer cette classe sociale en se montrant avec des belles voitures, motos, costumes, dans des hôtels de luxe. Il y a sans aucun doute une certaine exaltation à être dans ce rôle de prince héritier, de vip ou de privilégié. Les réseaux sociaux relaient cet apparat dont une grande partie joue le jeu. Sauf celles et ceux qui n’y pensent même pas : celles et ceux qui gardent leur fonction : de paysan, de pêcheur, de chauffeur de (vélo), de vendeur de cigarettes, de gardien, d’agent d’entretien en échange de très petites sommes assurant à peine la survie.

Et pendant ce temps, les mondes parallèles continuent à s’agiter. Se côtoient sans défiance. Les choses sont ainsi et il n’y a pas à les remettre en cause puisque nous aurions plusieurs vies et d’autres chances d’accéder à cette caste supérieure, à être, à son tour, parmi les dominants.

Et au coeur de tout cela, de tout ce fatras, de ce bouillon tournoyant, il y a cette humilité. Cette conscience (ou croyance) d’être au service de plus grand, d’être une entité faisant partie d’un tout. Et c’est comme ça. On se concentre à la tâche. On joue son rôle sans rechigner. À peine une plainte. À peine un regret. Faire partie du tumulte coûte que coûte.

Paradoxalement, les « gens d’ici » semblent goûter à un présent davantage dilaté que le nôtre. Marcher dans la rue avec un.e indonésien.ne produit chez moi un ralentissement et la remise en question de mon fonctionnement d’homme pressé. On prend le temps de marcher, de manger, de parler, de s’arrêter. (Pendant que j’écris, je suis pris d’une tension et presque d’une culpabilité de m’extraire du tourbillon environnant. Je suis là, immobile, alors que je pourrais gravir un volcan, arpenter un marché, visiter un temple. Je suis pris dans cette auto injonction à devoir tout voir, tout « faire ».)

Comme dans beaucoup d’endroits, il semble que la question du climat soit éloignée des préoccupations. La plupart n’en ont sans doute pas entendu parler. On en parle pas entre les gens. Sous cet épais nuage blanc de pollution, les javanais continuent à circuler en scooter et en voiture dans les multiples embouteillages. Pourtant, les changements climatiques sont perceptibles. Il a neigé sur le mont Bromo à Java. Incroyable. Personne ici n’avait jamais vu ça.

On se dit que l’idée de changement individuel face au dérèglement climatique n’est qu’une idée, vaine, insuffisante et irréaliste (cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas tenter de freiner nos hyper consommations). En France, une partie de la population, classe moyenne et de petite bourgeoisie (dont je fais partie), prend « conscience » du phénomène et tente des actions de changement, individuel et familial d’abord, parfois collective, argumente que le boycott serait la meilleure manière de s’opposer aux prédateurs du capitalisme libéral et prédit un effondrement du système qui pourrait engendrer une résilience.

D’ici, je me dis encore plus résolument que les questions environnementales ne peuvent être séparées des questions sociales (et sociétales) : salaires, inégalités, croyances... La lutte face à l’accélération des changements climatiques ne peut se démarquer de la lutte que chacun.e mène pour survivre au quotidien et/ou pour exister dans l’échelle sociale. Tant que, collectivement, nous ne nous attaquerons pas très sérieusement à ce système qui produit de la verticalité dans les rapports sociaux, nous ne serons que des pompiers ou pansements symptomatiques d’une société capitaliste en crise. Et nous pourrons continuer nos mesures et vérifier que le phénomène s’accélère. L’ordre (ou désordre) libéral ne sera pas menacé à coups de prises de conscience individuelles. Peut-être en sera t’il même renforcé.

Je me dis que ce que j’écris pourrait donner un sentiment de pessimisme, de renoncement ou (pire) de cynisme.

Et je suis convaincu que les sentiments négatifs liés à l’impuissance (à quoi bon ?) ne font que renforcer les comportements individualistes et donc cette fameuse « liberté d’entreprendre » dogmatique à laquelle je ne souscris pas.

Pourtant, je ne peux soutenir un discours positiviste de « prise de conscience » inscrit dans une morale presque religieuse.

Alors quels espoirs ?

L’espoir qu’il faut construire non pas comme une utopie (irréalisable) mais comme un présent en devenir pourrait résider dans les pratiques collectives non marchandes. Multiplier ces expériences collectives, renforcer les services publics et la protection sociale. Tout l’inverse de ce qui est proposé actuellement et dans la continuité d’un demi-siècle de politique libérale, de libre marché.

Recréer un rapport de force donc : incantation à créer des alliances, à rassembler pour mieux s’opposer. Réinventer la puissance publique face à la croissance libérale, cette croissance qui bousille tout, jusqu’à nos cerveaux en surchauffe.

Faire en sorte que tout ne puisse pas s’acheter et se vendre.

Lionel Jaffrès, Août 2019

MESURER LA TAILLE DU MONDE

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Après deux mois d’exposition à la Maison de la Fontaine (Brest rive droite) en juillet et août, le Grain – à travers le programme Mesurer la taille du Monde – a contribué au workshop PaleoENSO sur l’île de Belitung en Indonésie.
Du 25 au 30 août 2019, 50 chercheuses et chercheurs en sciences venu.e.s du monde entier se sont réuni.e.s pour faire le point sur les avancées des connaissances sur le phénomène climatique de grande échelle El Niño (El Niño and Southern Oscillation - ENSO) qui touche périodiquement les populations d’Amérique du sud, d’Asie et d’Australie.

La production et la création du spectacle « Mesurer la taille du Monde » se poursuit. Une partie de l’équipe sera présente aux Bons Jours au Domaine de Tizé.
Un nouveau temps de résidence est prévu à la Fabrique Bellevue-Chantenay de Nantes entre le 9 et le 14 décembre 2019.

Mesurer la taille du Monde sera également présent au festival Curiositas du 7 au 17 novembre à Massy (espace Liberté).

RESSORTS

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Après un mois d’août de pause, les comédien.nes de RESSORTS ont fait leur rentrée ce jeudi 5 septembre au Centre Social Couleur Quartier à Kerourien.
Malika Bemostefa, Pierre Cariou, Agnès Chauvergne, Patricia Delattre, Corinne Esnault, Stéphane Guichart, Ida Hertu, Përparim Ismajli, Delphine Le Her, Evelyne Mathelin, Joseline Meling-Abissama, Louise Morin et Avan Terrieux sont désormais en création et rejoints par Xavier Guillaumin, Loïc Le Cadre et Adeline Mazaud à la musique, lumière et son.

« L’Idôle Hôtel », écrite par Lisa Lacombe et mise en scène par Lionel Jaffrès, est une pièce arc-en-ciel qui intente avec décalage le procès du marketing et de la norme. Pièce dans laquelle on pourra aussi oser chanter, dire, critiquer, rire et se blottir entre les ailes d’un gigantesque oiseau.

A découvrir le vendredi 25 octobre à 19h30 à la Maison du Théâtre (Brest), le vendredi 08 novembre à 20h30 au Mac Orlan (Brest) et le samedi 23 novembre à 20h30 à l’Alizé (Guipavas).

Ne pas oublier de réserver par mail sur contact@theatredugrain.com ou par téléphone au 02.98.43.16.70 (Maison du théâtre et Mac Orlan à Brest) et sur accueil-alize@mairie-guipavas.fr ou par téléphone au 02.98.84.87.14 (l’Alizée à Guipavas)

BAISSE LES YEUX !

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Le retour de l’automne marquera celui de Baisse les yeux !.
A partir de novembre 2019, Anaïs Cloarec, Julien Derivaz, Xavier Guillaumin et Adeline Mazaud abordent de nouveau sur scène la question du harcèlement au cours de séances scolaires comme tout publics.

« Je frappe
À petits coups répétés
Jamais très forts
Mais réguliers
Tous les jours ou presque
Je reviens toujours au même endroit
Précisément au même endroit
J’éprouve la solidité de la zone
J’en goûte la souplesse
J’observe la matière qui petit
à petit se creuse
Et je continue
Je frappe régulièrement
sans jamais me lasser »

A voir à la MJC Ti An Dud de Douarnenez (29) le vendredi 15 novembre à 19h00, à L’Arvorik à Lesneven les jeudi 3 et vendredi 4 décembre (horaires à confirmer) et au Centre Culturel Athéna de Auray (56) le mardi 10 décembre à 20h30

TRANSMISSION

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En septembre, le Grain fait sa rentrée pour la troisième année du jumelage avec le collège Kerbonne mais aussi pour la première année avec le collège La Fontaine Margot.
Le vendredi 27 septembre, Lionel Jaffrès et Ida Hertu interviennent auprès des sixièmes de Kerbonne pour une première prise de contact en vue d’une semaine banalisée débouchant sur une création. Au mois d’octobre, c’est à La Fontaine Margot que le Grain interviendra par le biais de Ida Hertu et Louise Morin.

DÉFI ÉLOQUENCE

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Les 2 octobre, le Grain interviendra dans le cadre des Rencontres Nationales des Territoires d’Éducation 2019, organisées par la ville de Brest. Accompagnées des jeunes comédien.nes, Béatrice Leroux (Prévention Spécialisée Don Bosco) Martine Geffrault-Cadec (compagnie La Pointe du Jour) et Anne Yven (coordinatrice au Grain) présenteront Défi Éloquence à La Carène. « Parler de soi, parler aux autres, parler ensemble : comment rendre possible la prise de parole des jeunes ? »
Fin avril 2019, après trois mois de travail, les jeunes ont présenté Défi Éloquence lors de trois représentations complètes au Quartz - Scène Nationale de Brest, à l’UBO et au Maquis.

AGENDA

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Dimanche 29 septembre - Mesurer la taille du Monde – au Domaine de Tizé (35), dans le cadre des Bons Jours

Vendredi 25 octobreL’Idôle Hôtel [RESSORTS#4] – à la Maison du Théâtre à Brest (29) – à 19h30

Du 07 au 17 novembreIls remontent le temps (exposition) – Festival Curiositas à Massy (91)

Vendredi 08 novembreL’Idôle Hôtel [RESSORTS#4] – au Mac Orlan à Brest (29) – à 20h30

Vendredi 15 novembreBaisse Les Yeux ! – à la MJC Ti An Dud à Douarnenez (29) – à 14h00 (représentation scolaire)

Vendredi 15 novembreBaisse Les Yeux ! – à la MJC Ti An Dud à Douarnenez (29) - à 19h00

Vendredi 23 novembreL’Idôle Hôtel [RESSORTS#4] – à l’Alizée à Guipavas (29) – à 20h30

Le théâtre du Grain

06 81 19 67 76 / 02 98 43 16 70

12 rue Victor Eusen 29200 Brest

contact@theatredugrain.com

www.theatredugrain.com

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