Lettre du Grain - Septembre 2020

Corps et prise de risque

Période de pandémie oblige, nous avons fait l’expérience d’une distanciation physique tout en maintenant, par des moyens numériques et de télécommunication, nos liens intimes, amicaux, familiaux, professionnels... Paradoxe de ces séparations, l’action de celles et ceux qui s’engageaient physiquement tout en prenant le risque de la contamination a permis de sauver des vies et de maintenir une certaine intégrité du corps social. À des degrés différents, engager son corps s’inscrit toujours dans une prise de risque, concrète, symbolique ou sensible. Concrètement, celle ou celui qui soigne et qui va au contact prend le risque de la contamination, celle ou celui qui va sur le terrain dangereux prend le risque d’être blessé. Ces prises de risque vont jusqu’au sacrifice pour préserver les autres d’un grand danger, à Tchernobyl, à Fukushima, en pleine épidémie d’Ebola, lors d’une intervention en mer, en montagne…
Engager son corps sur une scène est loin de ces dangers potentiels vitaux mais il s’agit bien de corps quand nous parlons de théâtre, de musique, de peinture, de danse. Et il s’agit bien de prises de risque quand nous osons prendre un instrument de musique « devant tout le monde ». Dire nos mots ou ceux des autres. Montrer un enchaînement de gestes. Incarner. Se tordre face aux autres. Révéler une image. Une mise en scène. Quel que soit le risque, l’acte de mise en danger, lorsqu’il est authentique, révèle nos fragilités. Il nous rend humain et porte en lui-même une universalité. Il faut donc le protéger et le partager. Le protéger de toute entreprise qui vient faire glisser les humains vers le normatif, la compétition et qui les fait tendre vers des comportements de machines robotiques ou de simples consommateurs. À bas le coaching d’entreprise ! À bas le comportementalisme ! À bas le marketing ! Il nous faut rendre accessibles les prises de risque "capitales" de l’humanité. À bas la distanciation entre le savoir et les corps ! À bas les distinctions sociales ! À bas l’accès à la Culture comme personnification condescendante du savoir ! Comme il faut décoloniser les arts et rompre avec les dominations masculines dans les politiques culturelles, il nous faut rétablir les pratiques qui font que les cultures populaires s’émancipent des cultures consuméristes de masse. Les pratiques des arts vivants ont été trop longtemps occupées par une catégorie socio professionnelle aisée (dans les ateliers de transmission, dans les écoles de théâtre, dans les salles de spectacle que nous fréquentons…). Et donc, en attendant d’abolir complètement les classes sociales, il nous faut inventer les conditions d’un partage des pratiques et des moyens pour l’accomplissement de ces pratiques. À bas donc la violence de classe qui sépare le savoir des uns et l’ignorance supposée des autres ! Faisons cultures, permettons-nous les risques de l’émancipation par la création, par le geste patiemment construit ou spontané. Faisons démocratie.

Lionel Jaffrès

FENÊTRES OUVERTES - Spectacles amoureux à Kerourien

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Un bout de concert, une performance théâtrale, un crieur public, des personnages, une danse étrange... Chaque vendredi de l’été, nous avons proposé un rituel artistique dans le quartier de Kerourien à Brest. L’idée de provoquer l’ouverture, des fenêtres, des coeurs et des têtes nous a inspiré une sérénade contemporaine hebdomadaire. Cette initiative spontanée a été suivie par de nombreux/euses artistes proches du Grain et du Maquis, et aussi de la Maison du Théâtre et du Fourneau, qui ont accepté le risque d’une action in situ s’inspirant de la vie de Kerourien. Malgré quelques grains humides ou enflammés, huit évènements ont pu être organisés dans la joie et la fraternité.

Cette proposition était la suite logique des 50 ans de Kerourien - Les belles histoires. Le Maquis et le Grain, en lien avec les habitant.e.s et les structures de Kerourien continuent leur travail dans la durée et dans une connaissance de plus en plus fine des enjeux de ce quartier populaire.

Dernière édition de Fenêtres ouvertes vendredi 4 septembre à partir de 18h avec Lionel Jaffrès, la compagnie Gigot Bitume ("Pina dans le bourg" avec Coline Quintin) et le groupe de musique afro-groove Mandingue Mad Pell Zo.

Organisation : les gens de Kerourien avec le collectif Le Maquis, Le Grain - Écritures scéniques du réel, le centre social Couleur Quartier, Csf Rive Droite, Gpas Brest, Epm Kerourien, Mairie de quartier Saint-Pierre....

Avec Angelo Abanolo, compagnie A petit pas, Steeve Brudey, Monica Campo, Gigot Bitume, Guiomar Campos, Kevin Chappe, Guillaume Chave, Lucile Clouet, compagnie Dérézo, Ludovic Dulac, Extraordinaires banalités, Ida Hertu, Eric Hervé, Lionel Jaffrès, compagnie Le Bô jours, Laïna Patel, Mad Pell Zo, Meuriad Deluxe, Les petits poux, Guillaume Portal, Jean-Sébastien Richard, compagnie Une de plus, Zak...

Avec le soutien de la ville de Brest, du département Finistère et de la DRAC Bretagne.

LES COLLÉGIENS MESURENT LE MONDE - Jumelages

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La rentrée du Grain est ponctuée par plusieurs interventions artistiques avec des classes des collèges Kerbonne et Fontaine Margaux à Brest. Dans le cadre du programme artistique et scientifique "Mesurer la taille du Monde", la démarche est d’impliquer les élèves dans des actes artistiques originaux permettant de mettre en forme, d’illustrer leurs interrogations, leur relation à la complexité du Monde et aux changements environnementaux, sociétaux et sociaux. Ainsi, Anaïs Cloarec, Lionel Jaffrès, Antonin Lebrun, Xavier Guillaumin, Morgane Le Rest, Pierre Le Saint, Yan Marchand, Céline Robineau, Ida Hertu et Louise Morin proposeront des performances, créations, réflexions, gestes artistiques et expositions pendant tout l’automne.

Nous les vagues

ANNULATIONS / REPORTS

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Cet été particulier a été synonyme d’annulations ou de reports pour bon nombre d’artistes, de compagnies et de structures culturelles. En ce qui concerne le Grain, deux évènements d’importance ont subi les conséquences de la situation sanitaire liée au Covid : le village d’écologie sociale et la création "Comment faire pour ne pas se noyer" qui devait avoir lieu à l’occasion des évènements nautiques Brest 2020 ainsi que la création/exposition "Ils remontent le temps" au Museum d’Histoire naturelle à Nantes. Ces deux chantiers seront de nouveau d’actualité en 2021 et 2022 en parallèle de la création du spectacle Mesurer la taille du Monde qui sera accueillie pour une période de résidence à la Maison du Théâtre à Brest en février.

LE GRAND AMOUR

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Cet été a eu lieu la premier chantier de la création "Le grand amour" au Maquis à Brest. Stéphanie Siou et Lionel Jaffrès proposent à six jeunes artistes de plusieurs disciplines de travailler sur leurs représentations des relations entre les femmes et les hommes. À travers les histoires qu’on se raconte, celles qui nous sont racontées, celles qui façonnent nos vies, ils/elles interrogent ce qui construit nos choix amoureux et ce qui alimente les rapports de domination et de violence entre les sexes.
Ce processus collectif de création au cours duquel chacun.e convoque ses expériences, ses histoires et ses constructions, aboutira à un spectacle.

Avec Angelo Abanolo, Théo Corre, Mikaël Gac, Lionel Jaffrès, Louise Morin, Maël Siou, Stéphanie Siou et Lucile Pentecouteau - Production : Les bÔ Jours en partenariat avec Le Grain, LCause, Maison Pour Toutes et le Collectif Le Maquis.

« Le désir est résistance à la norme »
Monique Wittig

AUTRES NOUVELLES

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- La plaquette 2020 du Grain (écriture : Lionel Jaffrès / réalisation graphique : Nicolas Filloque) est disponible au Maquis et dans la ville. N’hésitez pas à nous la demander.
- L’Atlantique Jazz festival aura lieu du 26 septembre au 11 octobre 2020 à Brest et en Bretagne. L’équipe de Plages Magnétiques organise une réunion pour les bénévoles ou futur.e.s bénévoles le jeudi 10 septembre à 18h au 169 rue Jean Jaurès à Brest.
- Bientôt des nouvelles du banquet "Désirs de Maquis" qui devrait avoir lieu fin octobre.
- Nouvelles représentations pour "Sainte Jeanne des Abattoirs" de Bertolt Brecht au Maquis à Brest les 4, 5 et 6 décembre. Renseignements : collectif@lemaquis.org
- Nous préparons la cinquième édition de RESSORTS. Les premières réunions d’informations devraient avoir lieu en décembre.

Le Grain

06 81 19 67 76 / 02 98 43 16 70

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