Les équipes du collège, du Grain et de la Maison des minéraux ont proposé aux 60 élèves un parcours artistique et scientifique sur la plage du Corréjou. Guidés par Muriel et Armel de la maison des minéraux, ils ont pu accéder à des informations sur l’évolution des paysages, observer et analyser les roches du sous-sol, comprendre les mécanismes des variations climatiques et les enjeux actuels.
En parallèle, les artistes du Grain ont proposé un protocole de recherche de matière artistique. En sous groupes, les élèves accompagné.e.s par leurs enseignant.e.s ont pu utiliser un enregistreur de son et capter des bruits de l’environnement, des paroles, des musiques, des poèmes.
Toute la journée, ils ont donc créé et expérimenté.
VOICI UN RÉSULTAT DE CE TRAVAIL (DOCUMENTAIRE SONORE CRÉÉ PAR LES ÉLÈVES ET MONTÉ PAR XAVIER GUILLAUMIN) :
Évolutions du paysage - Collège Kerbonne (Brest) from Le théâtre du Grain on Vimeo.
Le fil conducteur de la journée était un extrait de "Grains" d’Alexis Fichet, l’un des textes du futur spectacle "Mesurer la taille du Monde" :
Je suis descendu sur la grêve, au lieu même où se tenait autrefois une grande plage blonde et convexe, et le sable avait disparu. Et la mer avait disparu. Plus aucune surface, rien que le fond et ses ombres portées. Plus une goutte d’eau.
J’ai avancé.
J’ai marché, longtemps, exploré les fonds marins rendus à la dureté du soleil. J’ai effectué de nombreux prélèvements, des mesures. J’étais au fond du monde, et tout était sec et abrasif, reliefs de rocs et de minéraux, morceaux de plastiques confits dans leur croûte de sel. Le paysage fossile scintillait comme le passé : parfois une couleur ancienne, bleu pétrole, rouge corail, traversait le voile comme on parcourt une distance stellaire. Je recueillais ce fragment de vérité disparue, je crachais pour en polir les contours, faire briller un instant la matière. Je cherchais du sable et de l’eau mais n’en trouvais pas.
J’ai marché, encore, dans ce paysage éblouissant, et mes pas se posaient dans un crissement blessé, et ma sueur s’évaporait en formant sur ma peau cette autre croûte blanchâtre, carapace de morsure. En perdant son eau mon corps se fondait parmi les reliefs du monde ancien. Je suis parvenu dans une grande plaine sous-marine, elle aussi toute blanche, telle un salar Sud Américain, et au milieu de cette plaine se tenait une grande sculpture de marbre, d’une dizaine de mètres de haut : une main gigantesque dont tous les doigts avaient été coupés, à l’exception du majeur. Unique doigt dressé au milieu du désert, unique doigt de marbre pointant vers le ciel. Au milieu de la plaine déssiquée, cette sculpture, dans sa radicalité, faisait un doigt d’honneur à la planète dévastée.
J’ai marché, encore, pour me rapprocher de l’oeuvre, et j’ai trouvé sur le sol une bouteille de rhum. Elle ne contenait plus aucun liquide, mais un message écrit sur du papier, protégé par un bouchon de liège. Cette bouteille avait dû être jetée à la mer il y a bien longtemps, à une époque où l’eau existait encore, quand des poissons nageaient au-dessus des dunes de sable, quand les poulpes et les murènes se partageaient des trous parmi les rochers. Cette bouteille aujourd’hui délaissée était tombée doucement dans la mer, elle s’était déposée mollement sur un banc de sable, quelques êtres rampants s’y étaient accrochés avec le temps, y dessinant un relief de concrétions et de balanes. Tout cela était mort et disparu désormais, sans même la persistance d’une vieille odeur.
J’ai ouvert, et j’ai lu ce message :
(…)
Et j’ai marché, encore, laissant derrière moi le doigt levé dont l’ombre s’allongeait maintenant à toute vitesse, aiguille de vengeance sur ce cadran solaire intense, et j’ai trouvé une autre bouteille. J’en ai retiré un morceau de papier chiffonné, et j’ai lu :
(…)
Et je marchais, toujours plus loin, mes chaussures s’écorchaient aux rochers en croûte. Je trouvais d’autres bouteilles, et d’autres messages... Enfin, j’étais accueilli par d’autres esprits, venus du passé, du futur, eux qui m’avaient adressé ces cocktails enflammés. Au milieu du désert de sel, quelque chose se manifestait.
(...)